C’est par une belle nuit d’hiver,
Que cette histoire commença,
Une histoire triste, familière
D’un cochon voulant dev’nir Roi.
Bernard, c’était son nom,
Drôle de nom pour un cochon,
Il était brave, un rien bovin,
Ca s’voyait rien qu’à son groin.
A sa naissance dans la ferme
Bernard fut bien accueilli,
Il disposait dans un coin,
D’son p’tit tas d’foin rien qu’à lui,
Oh pas grand-chose, une p’tite place,
Une couche, son propre espace.
Roi de son univers,
Dispenseur de discours crétins,
Mais que doit-il faire ?
Que doit-il faire ?
Assis la haut, sur son p’tit tas de foin.
Là-bas dans la ferme,
Des cochons y en avait des tas,
Des gros, des gras,
Des géants, des p’tits rats.
Y avait des travailleurs,
Fiers d’user leur groin
A hauteur de purin,
Des fils de Dieu,
Ecumant leurs rancœurs.
Des prient en chœur,
Retardant leurs adieux.
Y avait aussi des bohèmes,
Qui couinaient au clair de lune,
Des diseurs de poèmes
Buvant leur mauvaise fortune,
Et d’insatiables cavaleurs
Découvrant à toute heure
Les charmes cachés des deux lunes.
Roi de son univers,
Dispenseur de discours crétins,
Mais que doit-il faire ?
Que doit-il faire ?
Assis la haut, sur son p’tit tas de foin.
Bernard avait fière allure,
Bien mis dans sa veste à coutures,
La peau rose, la foi soyeuse
Le poil court et la langue poreuse.
Assis sur son p’tit tas d’engrais,
Le verbe haut il entonnait,
De ces airs accrocheurs
Pleins d’passion et d’amitié.
Et tous les cochons
Charmés et l’esprit canin
Ajoutaient paille à foison
Dans l’petit tas de foin.
Plus le tas montait,
Plus son groin s’enrhumait,
Au point de n’plus sentir
L’odeur de paille et d’crottin.
Et plus le tas s’él’vait,
Plus l’air se raréfiait,
Au point de n’plus sentir
Qu’l’odeur d’racaille et de joint.
Assis sur son p’tit tas d’fumier,
Le verbe haut il éructait
De ces airs accusateurs
Pleins d’nation et d’sécurité.
Roi de son univers,
Dispenseur de discours crétins,
Mais que doit-il faire ?
Que doit-il faire ?
Assis la haut, sur son p’tit tas de foin.
Là-haut, tout là-haut
Debout sur son gros tas d’égo,
Bernard rêvait d’ailes et d’Icare,
Entouré d’étoiles amères
Et d’vieux soleils avares.
Et il tapait d’la patte,
Sur son tas éphémère,
Tant il avait hâte,
D’engloutir ses chimères.
Plus il sautait,
Plus la paille s’éparpillait,
Et plus il tapait,
Plus le tas se disloquait.
En bas tout en bas,
Les pattes à hauteur de groin,
Le pauvre Bernard se noya,
Dans son gros tas d’purin.
Voilà c’qui arriva,
A c’cochon d’cochon,
A ce pauvre Bernard,
Qui jouait au Capoléon.
Roi de son univers,
Dispenseur de discours crétins,
Mais que doit-il faire ?
Que doit-il faire ?
Assis la haut, sur son gros tas d’ego.